24
mars
2013

Le corps Tai Chi

Qu’est ce que le Tai Chi chuan, c’est quoi le Chi Gong ?

Souvent posée, la question se résout  par une invitation à la pratique. C’est que les formules consacrées – gymnastique douce, méditation en mouvement, culture de l’énergie – ne vibrent pas dans les corps et que les mots restent indigestes quand ils ne sont pas mis en chantier.

Le Chi Gong n’est soluble que dans l’expérience personnelle !

Cependant, je désire partager quelques repères sous le thème du « Corps Tai Chi ». Je parle du corps car c’est avec lui que l’on entre dans l’expérience de soi et je dis TaiChi pour rendre compte de la globalité de l’aventure. Le cerveau est dans le corps et la conscience vient avec le cerveau ainsi, l’esprit est dans le corps comme le corps est dans l’esprit. Prenons le temps de jalonner le parcours allant de la mécanique à l’énergétique et de l’énergétique à la philosophie.

D’abord La machine corporelle – l’homme debout.

Le corps mécanique s’articule autour du confort et de l’économie dans la stabilité et le mouvement. L’ajustement vertical offre le plus grand confort pour gérer la pesanteur qui ramène tout à la terre

Sous le contrôle du système nerveux , on y voit :

  • Une charpente osseuse – où tous les segments s’adaptent les uns aux autres par le biais de rouages et d’engrenages.
  • Un moteur musclé – des forces musculaires qui stabilisent et mobilisent globalement et localement.
  • Un tissu conjonctif – des tendons, des ligaments, des enveloppes et des fluides qui font de l’ensemble une mécanique intégrée.
  • Une dynamique pneumatique – spires et re-spire en continu gonflent et relâchent le mannequin.

La détente se dit par trois :  relâchement, étirement et tonification 

  1. Le relâchement des tensions superflues pour libérer les structures bridées.
  2. L’étirement par éloignement des extrémités pour maintenir souplesse et connectivité.
  3. La tonification pour reprendre confiance dans les appuis.

Ces trois là jouent autant dans le corps que dans le coeur et l’esprit.

Notre référence sera la posture TaiChi

On se pose sur le sol pour prendre appui et se redresser et d’autre part, on se tient, se maintient et s’anime entre aisance et puissance. La colonne vertébrale est un pilier mobile, un empilement de pièces articulées, interconnectées par des ligaments et des muscles. Les vertèbres ont chacune leurs spécificités fonctionnelles pour porter, supporter et faire tourner la machine. Debout, on s’abandonne à la pesanteur en lâchant les crispations de notre personnage quotidien et on s’oppose directement à la chute en éveillant un tropisme solaire qui nous étire comme  la plantule  poussant sa pointe vers la lumière. Cette double invite ajuste l’alignement, la détente et l’étirement. On s’abandonne à la terre pour augmenter la stabilité et le poids, on s’étend vers le soleil pour accroître vigilance et légèreté. Le train inférieur, des pieds au bassin condense l’appui et la force liés à la terre, le train supérieur de la main à l’omoplate et à la tête exprime l’acuité et la lucidité solaire et l’axe vertébral joue avec élasticité pour transmettre les informations statiques et dynamiques.

Le mouvement et le geste

Ici encore, la colonne vertébrale est au centre. elle est l’axe, le moyeu, le pivot et le premier moteur. L’intention naît du ventre, du coeur et de la tête alors que les jambes portent les mains là où elles sont efficaces. En pratique, ce sont différents niveaux de l’axe vertébral qui prendront l’initiative  pour orienter le mouvement et adresser le geste… Le prochain article reprendra le fil du mouvement à partir du corps organique.

26
mars
2009

Être là, debout

Une question me revient régulièrement. Où est l’essentiel du TaiJiQuan en-deçà des mots et des gestes, des styles et des modes. Comment cela s’inscrit-il  dans la vie quotidienne et dans le partage.

Tout compte fait, la simple posture debout s’impose comme lieu, forme et moment fondamental de l’exercice; la détente en est l’axe principal.

Tenir debout  résume la présence individuelle, le rapport à soi, aux autres et au monde. L’idée n’est pas originale, le redressement caractérise le bipède humain. Le piéton par son pied, son poids et son pas marque son empreinte, sa posture et son allure.

La CHUTE

L’attraction terrestre ramène tout au sol. On tombe sans arrêt vers le centre de la terre et c’est l’alignement sur la verticale, la rectitude qui permet la plus grande économie de moyens et la plus grande autonomie.

Les forces qui nous mettent à terre sont prises en charge par des réactions toniques réflexes mais tous les déséquilibres posturaux ajoutent une dépense d’énergie pour compenser et intégrer un défaut d’alignement.Recherchant toujours un équilibre confortable, nous vivons cependant en instabilité permanente. Ce perpétuel réajustement soutient notre vigilance.

De toute évidence, nous devons lutter pour tenir debout, même à notre insu. Le Taijiquan  invite à ne pas se raidir dans la lutte mais plutôt à accepter consciemment et finement cette chute incessante pour en recycler les effets dans un grandissement. Paradoxe yin/yang, c’est en cultivant la chute que nous soutenons le redressement.

Comment activer ces forces avec douceur et efficacité? Par l’image

Le SABLIER

La chute du sable, grain par grain se fait par l’orifice inférieur et l’empilement du sable grain par grain se fait par le fond de sorte que la vidange nourrit l’entassement. Et voilà la dynamique contrastée Yin/Yang.

La forme du contenant conditionne l’empilement. On peux poursuivre l’expérience en retournant le sablier mais, dans la posture debout, c’est la pensée qui “retourne le sablier” et fait la continuité de l’expérience. L’écoulement du sable résonne avec la détente. Cela correspond grossièrement à l’abandon des tensions superflues dans la musculature périphérique mais, plus intimement c’est une sensation d’ouverture qui suit toutes les zones de resserrement articulaire comme les chevilles, les genoux, la hanche, les étages vertébraux et costaux, les mâchoires et l’articulé dentaire.

Une vision plus énergétique prend en compte toutes les zones de passages souvent soulignées par le vêtement, zones qui sont à dénouer, délacer  ou délier. Tour de tête, col et collier, bretelles, brassières et bracelets. Tour de taille, ceintures et gaines, chaussettes et lacets. La détente ouvre le passage et la matière peut s’écouler vers le fond. On suit le protocole – d’abord l’intention…, qui suscite l’énergie…, qui active le corps dans la forme et le geste.

Et, plus encore, le processus s’active en boucle, le système s’auto-entretient car forme et geste informent l’esprit qui suscite le Qi, qui…,

Il s’agit de maintenir constant et régulier le flux de l’écoulement, la pensée choisissant tantôt la chute à la terre tantôt la remontée par empilement des grains. Le processus favorise une plongée en soi car à la détente active répond une ouverture d’esprit favorable à une attitude plus détendue devant la vie.

La détente active propre au taijiquan se fait alors mode de vie. Une philosophie du bien-vivre qui, au repos ou dans l’action, dans le calme ou dans l’urgence choisit de ne pas se laisser submerger par les effets négatifs du stress en savourant consciemment la détente  .